Les Contrées Zinzolines

Chaque semaine ce qui s'imagine, se dit et se fait autour des questions d'identité et d'orientation sexuelle

Ô gynécologues…

Le gynécologue, c’est un médecin comme les autres, mais pas tout à fait non plus. C’est une formalité, pas foncièrement le moment le plus funky de l’année, sans être un drame non plus.

La plupart du temps, on a consacré trois minutes trente à la quête d’un obstétricien potable, en demandant à une amie quel était le sien. On prend rendez-vous, on s’y rend, et on renouvèle cette belle aventure humaine d’année en année.

Pourtant, une visite chez le gynécologue peut facilement être pénible : il s’agit, en quelque minutes, de se déshabiller complètement, de s’exposer à la palpation (qui est loin d’être des plus sensuelles – ok, ce n’est pas ce qu’on lui demande) dudit patricien, et d’aborder des sujets plus intimes les uns que les autres. Boree, jeune médecin généraliste et blogueur, a d’ailleurs à plusieurs reprises dénoncé des pratiques pourtant ultra-répandues dans les cabinet gynécologiques.

En mai 2010, Zonezorgene publie un article « Après les brèves de comptoir, les brèves de gynéco », qui s’acheve par une invitation aux lectrice à raconter leurs propres déboires. 325 commentaires plus tard, le site décide de créer une rubrique destinée à conseiller et informer les femmes sur la matière. On y trouve en vrac des articles comme Trouver un bon gynéco : quels critères de choix ? , Gynécologues : quand et pourquoi leur dire non ?, Comment leur dire non? , ou encore Choisir de ne pas avoir ses règles : ni péché moral, ni danger médical. Des titres qui en disent long sur l’état des relations entre les femmes et leur spécialiste favori.

Les reproches formulés à leur encontre tournent autour d’une idée simple : les gynécologues ne sont pas souvent à l’écoute des patientes, engoncés dans un savoir et des certitudes qui, particulièrement en France, et au contraire des mœurs et des pratiques, n’évoluent pas ou peu.

Cette inertie participe à un phénomène sanitaire alarmant au sein de la communauté LGBT : la majorité des lesbiennes ne se rendent presque jamais chez le gynécologue. Certaines n’y sont même jamais allées de leur vie. Alors qu’elle prennent rarement la pilule, ce qui est souvent le motif initial des premiers rendez-vous, elles doivent faire face à une ignorance parfois totale concernant l’homosexualité féminine.

Par exemple, beaucoup de médecins considèrent qu’être lesbienne revient à être vierge. Sans entrer dans d’infinies et stériles comparaisons entre le sexe hétéro et le sexe lesbien, c’est un fait établi qu’être lesbienne ne veut pas dire ne jamais pratiquer de pénétration. De même que les lesbiennes ont autant de chances de développer un cancer du sein ou de l’utérus et sont elles aussi exposées aux risques de transmissions des IST. D’autant plus que l’utilisation de l’équivalent lesbien du préservatif, la digue dentaire, est très peu répandue (probablement parce qu’il s’agit de l‘invention la plus terrifiante de ses cinquante dernières années) , et doit être complétée par le respect d’un ensemble de règles de safe sexe, parfois méconnues.

Cependant, la communauté se mobilise pour sensibiliser les lesbiennes à la nécessité d’un suivi gynécologique régulier, et pour multiplier les supports d’informations relatifs aux IST et au SIDA. En étant chanceux, on peut même tomber sur des vidéos super poilantes. Le site Prévention L propose des pages réservées à la sensibilisation des gynécologues.

Evidemment, il n’est écrit nulle part que les lesbiennes doivent s’outter (i.e faire un coming-out, sisisi, un jour ce verbe sera dans le Larousse) auprès de leur gynécologue. Rester dans le placard est même la solution que beaucoup d’entre elles adoptent. On peut s’interroger sur la qualité de la relation de confiance qui est supposée lier un médecin à ses patients lorsque ceux-ci peuvent être poussés à lui cacher leur sexualité… Notamment pour éviter les démonstrations d’irrespect : on pense entre autres à ces médecins qui, par curiosité, demandent aux lesbiennes des descriptions détaillées de leurs rapports sexuels, ou qui vont jusqu’à refuser de pratiquer des actes médicaux de base comme le frottis (test de détection des IST et cancers), puisqu’elles sont après tout « vierges ». En avril, Têtu a d’ailleurs publié un Petit manuel de survie face à son gynéco.

Si l’on cherchait encore la preuve qu’une formation médicale est un processus qui ne s’arrête jamais vraiment, la voici probablement.

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Cette entrée a été publiée le 28 avril 2012 par dans Anciens.

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